Les types d’inondations > L’inondation par remontée de nappe

Débordement de cours d’eau

Remontée de nappes

Submersion marine

Ruissellement

L’inondation par remontée de nappe phréatique

Description du phénomène

Les nappes phréatiques sont dites « libres » lorsqu’aucune couche imperméable ne les sépare du sol. Elles sont alimentées par la pluie, dont une partie s’infiltre dans le sol et rejoint la nappe. 

Lorsque l’eau de pluie atteint le sol, une partie est évaporée. Une seconde partie s’infiltre et est reprise plus ou moins vite par l’évaporation et par les plantes, une troisième s’infiltre plus profondément dans la nappe. Après avoir traversé les terrains contenant à la fois de l’eau et de l’air, qui constituent la zone non saturée (ZNS), elle atteint la nappe où les vides de roche ne contiennent plus que de l’eau, et qui constitue la zone saturée. On dit que la pluie recharge la nappe.  

C’est durant la période hivernale que la recharge survient car : les précipitations sont les plus importantes, la température et l’évaporation sont faibles et la végétation est peu active et ne prélève pratiquement pas d’eau dans le sol.

A l’inverse durant l’été la recharge est faible ou nulle. Ainsi on observe que le niveau des nappes s’élève rapidement en automne et en hiver, jusqu’au milieu du printemps. Il décroît ensuite en été pour atteindre son minimum au début de l’automne. On appelle «battement de la nappe» la variation de son niveau au cours de l’année.  

Si des éléments pluvieux exceptionnels surviennent et engendrent une recharge exceptionnelle, le niveau de la nappe peut atteindre la surface du sol. La zone non saturée est alors totalement envahie par l’eau lors de la montée du niveau de la nappe : c’est l’inondation par remontée de nappe.  
On conçoit que plus la zone non saturée est mince, plus l’apparition d’un tel phénomène est probable. 

On appelle zone «sensible aux remontées de nappes» un secteur dont les caractéristiques d’épaisseur de la Zone Non Saturée, et de l’amplitude du battement de la nappe superficielle, sont telles qu’elles peuvent déterminer une émergence de la nappe au niveau du sol, ou une inondation des sous-sols à quelques mètres sous la surface du sol.

Inondation par remontée de nappe phréatique
Manifestation et description du phénomène

En 2001 des phénomènes de remontée de nappes sont fréquemment apparus dans le Nord, l’Ouest, l’Est (Champagne) et le Sud-Ouest (Poitou-Charentes) de la France.

La plupart des cas de phénomènes de remontées de nappes ont été relevés :

  • soit au sein d’aquifères calcaires (Jurassique du Callovo-Oxfordien) et crayeux(Crétacé) de volume important (contexte A description ci-dessous),
  • soit en liaison avec des aquifères plus perméables et plus limités dans l’espace, mais où, en raison de la présence d’un substratum imperméable, le surplus d’eau ne pouvait que s’écouler en surface. Cela a été notamment le cas des buttes tertiaires du bassin parisien (contexte B description ci-dessous),

Inondation d’une nappe libre contenue dans un aquifère sédimentaire majeur (contexte A)

Le contexte A concerne les inondations par remontée d’une nappe libre contenue dans un aquifère majeur, généralement de durée longue et d’emprise régionale, et en réponse à des épisodes pluvieux extrêmes.

En France, ce phénomène concerne les aquifères calcaires ou crayeux, représentant une masse régionale importante. C’est le cas par exemple des calcaires jurassiques du Callovo-Oxfordien de la région de Caen et de la craie de Picardie, du Nord et de Champagne pour l’essentiel.


Schémas conceptuels décrivant les conditions favorisant les inondations par une nappe libre contenue
dans un aquifère sédimentaire majeure (d’après BGS)

Ce type d’inondation apparait lorsque les caractéristiques suivantes sont rencontrées :

  • des niveaux de la nappe particulièrement hauts ;
  • un taux d’humidité élevé dans la zone non saturée ;
  • des épisodes pluvieux intenses et répétés sur plusieurs années consécutives.

Les battements de ce type de nappe peuvent atteindre plusieurs dizaines de mètres.

Des écoulements significatifs sont alors observés dans les vallées sèches, même éloignées des plaines d’inondation. Dans ce type de contexte, l’écoulement en rivière est le reflet de la pluviométrie intense mais également de l’apport souterrain.

A noter que certains phénomènes peuvent entraîner brutalement une partie de la masse d’eau stockée dans l’aquifère vers les cours d’eau et provoquer des crues en surface importantes et durables dans le temps (plusieurs mois).

Inondation d’une nappe libre superficielle sur substratum imperméable (contexte B)

Le contexte B correspond à l’inondation par remontée d’une nappe libre superficielle contenue dans un aquifère sédimentaire non-consolidé, d’extension limitée et reposant sur une formation imperméable (cf. Figures ci-dessous).

Ce phénomène est principalement observé au sein des nappes d’accompagnement de cours d’eau en domaine de socle, généralement peu étendues latéralement.

Schémas conceptuels décrivant les conditions favorisant les inondations par une nappe libre
superficielle contenue dans un aquifère sédimentaire non-consolidé et reposant sur une formation
imperméable (d’après BGS)

Ce type de nappe superficielle reposant sur une formation imperméable peut engendrer des inondations par remontée de nappe du fait :

  • de leur capacité de stockage très limitée,
  • de leur recharge directe importante suite à des épisodes pluvieux conséquents et continus,
  • de leur caractère souvent très perméable qui favorise ainsi la connexion hydraulique avec les drains de surface type rivière.

Les niveaux piézométriques sont généralement très peu profonds tout au long de l’année et réagissent très rapidement aux épisodes pluvieux intenses dans la zone de recharge de l’aquifère.

La montée du niveau de la rivière, en réponse à ces pluies intenses à l’intérieur du bassin versant, peut provoquer également des circulations d’eau en direction de la nappe, ayant comme conséquence la montée du niveau piézométrique.

Les digues naturelles ou artificielles présentes le long du cours d’eau peuvent permettre la montée du niveau de la rivière, sans provoquer de débordement. Cette montée des eaux va favoriser la montée du niveau de la nappe d’accompagnement jusqu’à provoquer, dans les points bas situés derrière les digues, un débordement. Ce débordement « souterrain » précède généralement l’inondation de surface (par débordement de la rivière) et rallonge la durée de l’inondation dans la zone impactée.

Cependant, les inondations constatées dans le contexte B peuvent être de durée relativement courte, en comparaison du contexte A décrit plus haut. En effet, la rivière, lorsqu’elle retrouve ses niveaux initiaux, draine rapidement l’aquifère perméable.

La principale difficulté est qu’il est généralement difficile de distinguer l’inondation induite par la remontée de nappe de celle induite par la crue de la rivière ou par des épisodes pluvieux intenses.

Phénomènes observés

Selon les secteurs on a pu observer :

  • une inondation généralisée dans les vallées majeures, par contribution exceptionnelle de la nappe. C’est le cas typique de la Somme.
  • la ré-activation par des cours d’eau temporaires de certaines vallées sèches (valleuses de Normandie, de Grande Terre en Guadeloupe), où habituellement les cours d’eau ne coulent plus en surface mais uniquement dans les fissures souterraines de la roche ou dans le réseau karstique sous-jacent.
  • l’apparition d’étangs et de mares temporaires sur certains plateaux dans des zones de dépressions (dolines de décalcification ou anciennes carrières).
  • l‘apparition de lignes de sources dans les thalwegs, bien en amont des sources habituelles.
  • des inondations par des causes secondaires : c’est en particulier le cas lorsque des ouvrages de génie-civil sous-dimensionnés ont étés éxécutés pour permettre le passage de voies d’accès pour le franchissement de vallées sèches ou de vallons qui ne coulent habituellement pas. Lors des remontées de nappes, ces ouvrages forment barrage et provoquent inondations des terrains situés en amont
  • des mouvements de terrainnotamment sur des sites à pente importante. La remontée de l’eau déstabilisant la couche la plus meuble du sol et de la zone altérée de la roche. Toutefois il est difficile de les distinguer des mouvements de terrain dus à une saturation excessive et directe des sols par la pluie.


Inondations dans l’Aude – 16/11/2015 © Laurent Mignaux – Terra

D’autres phénomènes ont aussi pu être observés :

  • notamment, captée par des forages, est mise en pression. Ce phénomène provoque le jaillissement «artésien» de ces forages : dans la zone des hortillonnages d’Amiens par exemple.

Pourtant, on notera que dans certaines zones possédant à la fois un sous-sol sableux et une nappe très proche de la surface, comme les Landes de Gascogne, donc caractérisées par une forte sensibilité à ces remontées de nappes, il ne s’est parfois produit aucun sinistre en 2001 car l’habitat n’y comporte généralement aucun sous-sol et des canaux de drainage y sont traditionnellement entretenus.

Au contraire dans les aquifères sableux ou le pourcentage d’interstices élevé, on n’observe pas de battement annuel important. Dans ces aquifères, le retour à des niveaux normaux après l’épisode de hautes eaux est rapide.


Inondations à Poitiers -2004 © Thierry Degen – Terra

Conditions favorisant le déclenchement du phénomène

Principaux paramètres :

Trois paramètres sont particulièrement importants dans le déclenchement et la durée de ce type d’inondation :

  • une suite d’années à pluviométrie excédentaire, entraînant des niveaux d’étiages de plus en plus élevés,
  • une amplitude importante de battement annuel de la nappe, dépendant étroitement du pourcentage d’interstices de l’aquifère,
  • un volume global important d’eau contenue dans la nappe, à l’intérieur des limites du bassin d’un cours d’eau (le volume contributif de la nappe à l’échelle du bassin versant hydrogéologique).

Influence de l’aquifère sur le battement naturel de la nappe :

Toutes les roches ne comportent pas le même pourcentage d’interstices, donc d’espaces vides entre leurs grains ou leurs fissures. Par ailleurs, la dimension de ces vides permet à l’eau d’y circuler plus ou moins vite : elle circulera plus vite dans les roches de forte granulométrie. En revanche dans les aquifères à faible pourcentage d’interstices il faudra moins d’eau pour faire s’élever le niveau de la nappe d’une même hauteur.

Pour illustrer ce propos, considérons deux récipients de volume identique que l’on a préalablement remplis l’un de sable fin et l’autre d’un bloc de calcaire de même dimension que le récipient. Il sera nécessaire de verser plus d’eau pour recouvrir celui qui est rempli de sable car le volume total des interstices y est plus important. Ce «modèle» permet d’expliquer pourquoi une recharge de même volume entraînera une remontée du niveau plus importante dans une nappe où la densité d’interstices est faible que dans une nappe où elle est élevée : le battement naturel de la nappe sera plus important dans le premier cas que dans le second.


Aquifère karstique de Cassis – 2012 © BRGM – Nathalie Dörfliger

Les graviers et sables grossiers bien calibrés sont les formations aquifères qui possèdent le plus fort pourcentage de vides (souvent de l’ordre de 15 à 20 %), puis en ordre décroissant on trouve les sables fins et les sables de granulométrie hétérogène, puis les grès, et enfin les calcaires fracturés et la craie. On comprend ainsi que le phénomène de remontées de nappes se produise le plus souvent dans certains types de calcaires, et en particulier dans ceux dont le pourcentage de vides est faible : c’est le cas des aquifères de la craie.

Dans les aquifères calcaires à faible taux d’interstices, les décrues peuvent être lentes puisque la circulation de l’eau dans les interstices est elle-même assez lente. Lorsque la masse de l’aquifère qui contribue à l’inondation est très importante, celle-ci peut durer très longtemps : c’est ce qui s’est passé dans la Somme pendant l’hiver jusqu’à la fin du printemps 2001.

Conséquences du phénomène

Les dommages recensés sont liés soit à l’inondation elle-même, soit à la décrue de la nappe qui la suit. Les dégâts le plus souvent causés par ces remontées sont les suivants :

  • Inondations de sous-sols, de garages semi-enterrés ou de caves.

Ce type de désordres peut se limiter à de faibles infiltrations et à quelques suintements, mais l’humidité en remontant dans les murs peut arriver à la longue à désagréger les mortiers, d’autant plus si le phénomène est fréquent. Dans ce cas, une pompe d’épuisement placée dans le point le plus bas, ou mieux, dans un petit puits creusé expressément à environ 50 cm sous le niveau du sous-sol, permet d’évacuer l’eau au fur et à mesure et d’éviter qu’elle ne remonte dans les murs par capillarité. En revanche lorsque les infiltrations sont plus importantes, il n’est malheureusement pas conseillé de mettre en place un dispositif de pompage dans le sous-sol car la poussée de l’eau résultant d’une différence de niveau de l’eau entre l’extérieur du bâtiment et l’intérieur (donc de pression) peut suffire à faire s’effondrer un mur. Il est alors plutôt conseillé de faire effectuer des tranchées AUTOUR des bâtiments inondés et de pomper dans ces tranchées : l’abaissement du niveau de l’eau sera sans doute moins rapide mais ne mettra pas en danger la stabilité des bâtiments. Il n’est évidemment pas possible d’effectuer ce genre de travaux de façon préventive, et ils ne sont pas à la portée de simples particuliers. Dans les zones sensibles il serait souhaitable de préconiser pour certains types de construction, des sous-sols non étanches pour éviter le soulèvement des édifices sous la poussée de l’eau.


Intérieur d’une maison inondée © Manuel Bouquet – Terra

  • Fissuration d’immeubles.

Ce type de désordre a été remarqué en région parisienne, en particulier dans les immeubles qui comportent plusieurs niveaux de sous-sols ou de garages. Il faut noter qu’en région parisienne, nombre de sous-sols se trouvent inondés par un retour de la nappe à son niveau initial. En effet, en raison de la diminution d’une partie important de l’activité industrielle à Paris -consommatrice d’eau- la nappe retrouve progressivement son niveau d’antan.


Témoins de fissuration – © Laurent Mignaux – Terra

  • Remontées de cuves enterrées ou semi-enterrées et de piscines voire des canalisations.

Sous la poussée de l’eau, des cuves étanches, ou des canalisations enterrées qui contiennent ordinairement une partie importante de vides, peuvent être soulevées par la pression d’Archimède. C’est en particulier le cas de cuves contenant des fluides moins denses que l’eau (produits pétroliers de stations-essence ou de dépôts pétroliers), ou même de cuves à usage agricoles ou de piscines partiellement ou totalement vidées. (Pour les piscines la meilleure mesure sera de les maintenir totalement remplies)

  • Dommages aux réseaux routier et de chemins de fer.

Par phénomène de sous-pression consécutive à l’envahissement de l’eau dans le sol, les couches de granulats utilisées dans la fabrication des routes et le ballast des voies ferrées se trouvent désorganisées. Des tassements différentiels mènent à des désordres importants.

  • Désordres aux ouvrages de génie civil après l’inondation.

Après que l’inondation ait cessé, il peut se produire des contraintes mécaniques dans le sol en relation avec les processus de ressuiement, qui déstabilisent un ouvrage. C’est le cas des argiles qui en séchant et en se rétractant provoquent des défauts de verticalité de piliers en béton enfoncés dans le sol (cas de serres illustré près de Reims).

  • Pollutions.

Les désordres dus aux pollutions causées par des inondations sont communs à tous les types d’inondation. On sitera la dispersion des déchets de décharge publique, le transport et la dispersion de produits dangereux soit dissous, soit entraîné par l’eau (produits pétroliers, peintures, vernis et solvants, produits phytosanitaires et engrais, produits de piscine (chlore en particulier), de déchets d’origine animale ou humaine (lisiers, fosses septiques).

  • Effondrement de marnières, effondrement de souterrains ou d’anciens abris datant des dernières guerres.

Ces effets sont dus à une modification de l’équilibre des parois sous l’effet de l’eau, et en particulier probablement davantage à la décrue de l’inondation.


Effondrement d’une marnière – 1999 © BRGM

Coûts induits et mesures de prévention

Mis à part les coûts de nettoyage, de remise en état ou de reconstruction du bâti et des biens, au départ supportés par les assurances à certaines conditions (déclaration de catastrophe naturelle par les préfectures en particulier) et à terme par la collectivité, ces inondations ont induit des coûts parfois importants ayant trait :

  • aux itinéraires routiers de déviation, pour le contournement des zones sinistrées, nécessitant une importante signalisation supplémentaire (cas du contournement de Caen),
  • aux opérations de pompage et de nettoyage sur la voie publique, les ouvrages normaux d’évacuation des eaux se révélant insuffisants et inappropriés.

 

Lorsque les conditions sont réunies pour que le phénomène se produise, celui-ci ne peut être évité. En revanche certaines précautions doivent être prises pour éviter les dégâts les plus importants :

  • éviter la construction d’habitation dans les vallées sèches, ainsi que dans les dépressions des plateaux calcaires,
  • déconseiller la réalisation de sous-sol dans les secteurs sensibles, ou réglementer leur conception (préconiser que le sous-sol soit non étanche, que le circuit électrique soit muni de coupe-circuit sur l’ensemble des phases d’alimentation, y réglementer l’installation des chaudières et des cuves de combustible, y réglementer le stockage des produits chimiques, des phytosanitaires et des produits potentiellement polluants …),
  • ne pas prévoir d’aménagements de type collectifs (routes, voies ferrées, trams, édifices publics, etc…) dans ces secteurs,
  • mettre en place un système de prévision du phénomène. Dans les zones sensibles à de tels phénomènes, un tel système doit être basé sur l’observation méthodique des niveaux de l’eau des nappes superficielles.